Consigne : Donner des pistes sur la situation pour que la conclusion tombe comme une évidence.
Il l’a fait. Je me doutais bien qu’il en avait envie. Il me regardait, non regarder est inapproprié, ses yeux bleus me collaient au visage, sa bouche ouverte dans laquelle roulait une langue rappeuse bavait comme l’aurait provoquée une Chupa Chups et ses doigts croisés priaient, malgré lui, depuis le début de l’après-midi. Je m’y attendais pourtant. On s’y attend à mon âge, on a déjà vu ça dans les yeux des garçons, la petite étincelle qui rétrécit la glotte, le visage hagard qu’un cerveau endolori par un trop plein d’hormones à lâchement abandonné, le bégaiement enfantin de l’autre qui ne sait plus s’il est un homme ou un enfant, et vous sa mère ou sa muse. Mais là, je n’ai rien fait pour éviter ça. Je n’ai pas vu le danger arriver au grand galop, le chef sioux fendre la plaine américaine, le cosmonaute enjamber les cratères… je n’ai rien fait pour détourner son attention, pour qu’il comprenne qu’Emma n’était pas toute langoureuse à côté de lui sans raison, que sa blondeur faisait rêver Julie ou son eau de toilette sucrée attirait Marie presque malgré elle. Au contraire, je lui ai tendu une assiette pleine de ce gâteau que j’avais confectionné et que tout le monde attendait, je lui ai rempli son verre à trois reprises (et vraiment je n’aurais jamais pensé que cela aurait une quelconque influence sur lui), j’ai pris le cadeau qu’il avait emballé lui-même et je l’ai même embrassé tendrement lorsqu’il est arrivé. Et c’est juste au moment où j’étais seule dans la cuisine, lorsque l’ambiance était à son comble de l’autre côté, quand je les entendais tous rire et chanter et crier et danser… j’ai posé la pile d’assiettes sales sur le plan de travail, j’ai soufflé un grand coup, je me suis retournée et là, je l’ai vu, le regard plein d’espoir et le front déterminé il m’a sorti comme ça « Tu veux bien venir à ma soirée mercredi ? ». Que pouvais-je dire ? Comment réagir ? Qu’auriez-vous fait vous ? « Co..co..comment ? » « Est-ce que tu veux que je demande à Julie ? » a-t-il insisté ? Alors là je dois dire que j’ai hésité ! Entre surprise et jalousie. « Tu veux dire que tu inviterais Julie si je ne veux pas » je lui ai répondu. Il m’a dit « Non, je propose à Julie de venir comme ça tu viens avec elle. » « Ha d’accord. » Là j’ai senti qu’il y avait le début d’une solution, une petite ficelle qu’il fallait que je tire avant que la pelote ne soit vide. Alors j’ai dit « Ok, on fait comme ça. Je viens avec Julie après son cours de violon. Tu peux compter sur nous. » Alors il m’a tendu son invitation. Ouf, je m’en suis sortie. C’est pas facile vous comprenez de refuser l’invitation d’un homme de 8 ans quand on est une fille de 38.