Consigne : Passer du son R au son OU.
Je n’ai pas peur des bois. Je n’ai peur que du noir. Oui, la sourde obscurité qu’improvisent les marronniers aux énormes bogues piquantes, la noirceur immense des monstrueuses branches des chênes centenaires ou les larmes faciles des saules pleureurs me terrifient. J’en ai peur parce que je sais pertinemment que dans la forêt qui pointe son museau dès le fond de notre jardin, la bête aux poils hirsutes m’attend patiemment. J’entends le terrible raclement de gorge de cette raclure immonde, je perçois du plus profond de ma chambre, les gargouillis d’estomac du lugubre animal dont personne ne peut témoigner des atrocités mais dont on entend le cri à chaque pleine lune du soir au matin. Le Loup. C’est de ce noir que je frémis. Et ce soir la lune est entière. Je vais devoir courir à travers les bois, parcourir les dix lieux qui me séparent de ma grand-mère avec mon petit pot de beurre, mon lait et quelques sous. Le Loup m’attend. Je devine ses yeux derrière une souche, au fin fond d’un buisson ou bien caché par une haie. Mon panier à la main, je vais devoir me jouer de lui, ruser pour l’empêcher de deviner par où je passe, contourner ses lieux communs, tout en évitant le houx qui pique et le hululement assourdissant du hibou qui me trahirait. Mère-grand, pourquoi habites-tu si loin de chez nous ? Mes parents, il faut être fou pour m’envoyez-vous sur les dents de ce loup !