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Le temps

Texte écrit lors de mon atelier d’écriture.

Consigne : Variations sur le temps.

Le temps de dormir

Le temps de dormir. C’est parfois trop. Souvent pour ceux qui ne dorment pas. Il y a l’autre à côté qui souffle fort. On ne peut pas dire qu’il ronfle, non, il respire seulement comme un éléphant de mer. Il avale un grand bol de nuit noire et recrache un nuage de carbone saturé d’eau. Si plein d’eau que rapidement un long filet coule le long de son visage et trempe le drap rose pâle que vous partagez. Il a l’air heureux. Il est beau même. Vous le regardez avec tendresse, imaginez ses rêves, le voyez sourire ou bouger les narines, puis il s’arrête d’un coup. Vous vous demandez ce qu’il vit. C’est un amour, un petit poulbot aux joues gonflés et plein d’intentions bienveillantes pour ceux qui l’entourent. Puis son souffle reprend, il respire donc, il dort de tout son plein. Vous vous retournez et fermez les yeux, le bonheur de votre conjoint vous comble, vous allez vous évanouir dans le sommeil d’un juste. Le silence pèse sur vos paupières. La chambre est bercée de respirations, elle s’emplit petit à petit d’une douce sérénade, la mélodie chantante d’un monstre éteint. C’est long le temps du sommeil. C’est très long. Parfois trop. Surtout pour ceux qui ne dorment pas. Alors vous mettez deux doigts dans votre bouche et sifflez un grand coup !

Le temps des confitures

La question des confitures n’est pas quels fruits donnent les meilleures, ce n’est pas combien de sucre faut-il ajouter, ni dans quelle marmite va-t-on les réussir, à quelle température ou combien de temps ni dans quels pots avec quelle cuillère les touiller, doit-on ajouter de la vanille, doit-on les faire bouillir, mijoter à feu doux, les stocker longtemps ou les manger tout de suite, sur quelle étagère, dans quel placard, à quel degrés d’humidité, quelle pièce, dans l’obscurité ou la lumière… non la question est « met-on les noyaux ou non ? ». J’ai réglé ça : je fais de la confiture de bananes.

Le temps des débuts et des fins

Le temps du début c’est le temps du temps. On ouvre la bouche pour se faire nourrir, on dort, on se fait dessus et on recommence. C’est le temps de voir avec tout le temps qu’il faut, le temps qu’on prend à s’occuper de nous, le temps qu’on nous donne sans compter. Puis c’est le temps d’apprendre, le temps de croire, le temps de faire et jamais le temps de comprendre. On fabrique, on crée, on partage, et c’est déjà le temps des autres. Le temps qu’on donne pour nourrir, faire dormir, s’occuper et protéger, le temps des contes mais jamais celui des comptes. Petit à petit le temps qui passait bien vite prend le temps d’avancer à petit pas et le temps du début rejoint le temps de la fin. On ouvre la bouche pour se faire nourrir, on dort, on se fait dessus et on recommence. C’est le temps de voir avec tout le temps qu’il faut, le temps qu’on prend à s’occuper de nous, le temps qu’on nous donne sans compter. Arrive enfin, le temps de l’éternité.