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L’inspecteur de la justesse

Extrait de la série des textes sur les musiciens.

 

L’inspecteur et son second

  • Bon, qu’est qu’on a ?
  • Et bien voilà chef, en pleine ascension plusieurs témoins on crut voir Lukas, le type à la grosse caisse là-bas, faire sauter un temps fort et le précipiter dans le vide.
  • Ok, conséquences ?
  • Et bien personne n’a eu le temps.
  • Le temps de ?
  • Non chef, le premier.
  • Le premier temps de ?
  • Heu, non chef, ça ne peut pas être le premier temps deux.
  • Vous vous fichez de moi ?
  • Heu, non chef, c’est soit le premier soit le deux ?
  • Réfléchissez à ce que vous me dites… un tant soit peu.
  • Ha, bah là chef y’en n’a pas eu du tout, alors. Personne n’a eu le temps…
  • Ouai, ouai bon ça va on a compris. Comment les autres ont pris ça ?
  • Ils se sont tous retrouver en risque, au beau milieu d’une montée chromatique. Deux cuivres ont failli perdre leur respiration, le pianiste est tombé en pleine syncope mais il s’en est tiré et il s’en est fallu de peu pour la cordée du violoncelle.
  • Quels sont les dégâts ?
  • Et bien, à part un temps mort, deux ou trois choqués dans le fond du cœur, enfin non pardon, dans le cœur du fond, tout le monde s’en tire à bon compte.
  • Et les média ?
  • Comment ça chef ?
  • Des échos dans les journaux ?
  • La musique habituelle.
  • Pas de bruit ?
  • Non tout le monde a joué le jeu. Mais on a dû passer des accords… deux ou trois témoins voulaient nous faire chanter.
  • Très bien, merci mon p’tit Jérôme, je vais interroger le principal suspect. Il va s’assoir en face du suspect. Alors Lukas, tu sais pourquoi tu es là, n’est-ce pas ?

L’inspecteur et le suspect

  • Non, M’sieur l’inspecteur.
  • Commissaire ! Commissaire divisionnaire Perrin, responsable de la Division Interne du Ministère de la Justesse. La DIDMDLJ comme on l’appelle ici !
  • J’comprends rien du tout M’sieur l’commissaire !
  • Ca m’étonne pas, moi non plus !
  • Quoi ?
  • Ecoute Lukas, ç’est pas la peine de faire le mariol avec moi. Mes amis et moi on en a déjà fait craquer des loustics dans ton genre et des plus coriaces.
  • Mais, m’sieur l’comm…
  • Arrête avec tes m’sieur l’commissaire ! On a des dizaines de témoins.
  • Mais…
  • Et c’est pas tout !
  • Comment ça ?
  • On peut prouver qu’il y eu préméditation.
  • Quoi ?
  • Il sort un carnet. Je cite le joueur de flûte , où est-ce que j’ai mis ça… ha voilà : « Deux heures avant le concert j’ai entendu Lukas dire : j’en ai marre, je vais trouver quelque chose pour tuer le temps. », fin de citation. Alors qu’est-ce que tu dis de ça Lukas ?
  • Le joueur de flûte ! Mais c’est du pipo ! J’ai jamais dit ça. Vous comprenez, on veut me faire porter le chapeau !
  • Bien sûr, c’est ce qu’ils disent tous !
  • Ecoutez commissaire, le concert c’était dimanche après-midi sur la place du village.
  • Et alors ?
  • Et alors, j’aurais jamais fait ça dimanche. Il faisait un temps magnifique. Encore, un temps de cochon j’veux bien mais là…
  • Il est à la morgue maintenant. Tu veux aller le voir, HEIN ? A ce rythme-là, dimanche prochain ça sera un temps pourri…
  • Une semaine de plus… ça aurait juste fait un temps plus vieux.
  • Et pourquoi pas un temps de merde, hein Lukas ?!
  • Ecoutez commissaire, j’y suis pour rien moi, j’vous jure.
  • Tu fais le malin, n’est-ce pas ?
  • Non.
  • Inutile de jouer la montre.
  • Moi vous savez, à part la grosse caisse.
  • On la connait par cœur ta partition, mais cette fois le temps joue contre toi, Lukas. Allez, mettez-moi ça au violon. On verra si dans deux ou trois jours tu baisseras pas d’un demi-ton !

Le second le sort en coulisse.

  • C’est pas juste, m’sieur l’commissaire.
  • Je sais, c’est pour ça que je suis là.
  • j’y suis pour rien, c’est pas moi, j’dirais rien, vous m’entendez m’sieur l’commissaire, j’ai rien fait, j’suis innocent…
  • Mesdames, messieurs, le spectacle va pouvoir reprendre. Nous nous excusons de cette interruption momentanée. Si vous remarquez quelque chose d’anormal, une fausse note chez un exécutant, une liaison rompue ou une phrase blessante, mes collègues et moi nous tenons à disposition. Bonsoir.

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