Mauvais joueur

4 février 2019

Extrait de la série des textes sur les musiciens.

Noir assis sur une chaise avec sa guitare électrique joue quelques notes.

Rouge, raide, la démarche militaire, entre sur scène.

Bonjour Monsieur, Police de l’air.
Bonjour Monsieur l’agent. Vous faites une ronde ?
Veuillez me présenter vos papiers, s’il vous plait.
(Il lui tend sa partition) Je n’ai que la musique vous savez, les paroles je n’y suis pour rien.
C’est ça, c’est ça vous n’avez pas l’air ! On m’la déjà faite celle-là.
Je peux savoir ce que vous me reprochez ?
Ce qu’on vous reproche ?
Oui, j’étais bien tranquille derrière ma guitare, je ne comprends pas.
Si je dis entre la seizième et la dix-septième. Vous comprenez ?
La pédale ?
Quoi la pédale ?
Est-ce que j’ai abusé de la pédale ?
Non, la pédale ne me fait aucun effet. Cherchez encore.
Heu, et bien, … est-ce que j’ai dépassé la vitesse indiquée ?
Un p’tit peu oui que vous l’avez dépassée !
Ho, de peu alors ?
De peu, de peu ! J’étais avec mon collègue dans ma grosse caisse. On vous a vu nous doubler, en pleine reprise !
Doubler !
Absolument Monsieur. Alors, on est moins fier hein ?
…
On la met en sourdine maintenant ?
Ecoutez, on peut peut-être s’arranger, trouver un accord ?
Des accords, des arrangements, hein !? Ca, les arrangements, je suis sûr que ça vous connait le grateux ! Je ne fais pas dans la demi-mesure moi !
Ho flûte ! Monsieur l’agent je ne l’ai pas fait exprès.
Exprès ou pas on vous a pris. Vous comprenez ?
Oui mais je n’étais pas seul. On était au moins trois ou quatre, on a dû se laisser emporter. Et puis vous savez de là où on est on ne voit pas tout le temps les indications, on est entre copains, quelques fois on s’arrête, on reprend, on avance, une ligne double, on avance à nouveau… et puis s’est comme ça, quand on s’en aperçoit c’est trop tard !
Hé là, hé là piano s’il vous plaît ! Vous vous emballez et vous allez me faire perdre mon temps.
Soyez compréhensif au moins ? L’indulgence ça doit être dans vos cordes, non ?
Bah ça c’est sûr que c’est pas dans les vôtres !
Bon, je reconnais que j’ai peut être un peu abusé tout à l’heure. Mais c’est parce que…
Parce que, parce que quoi ?
Parce que j’étais tendu !
Vous étiez tendu ?
Oui, je le reconnais (il tripote les clés de la guitare), je n’aurais jamais dû partir comme ça, tendu comme j’étais, mais… je vais faire attention maintenant.
On vous le dit, on vous le répète !
Ha bah ça pour répéter, je répète vous savez !
De temps en temps il faut faire une pause. Vous arrêtez. Vous vous levez et vous allez vous détendre.
Oui, vous avez raison.
Évidemment.
Mais c’est que l’autre jour, je me suis arrêté, j’ai laissé mes clés et… on me les a volées.
Bon sang ! Où les aviez-vous laissées ?
(Il montre le sol) Là !
Non, pas à même le sol ?
…
Et alors ?
Bah on m’a tout emporté.
Tout em-por-té (en portée) ?
Comme je vous le dis.
Et alors ?
Un grand silence Monsieur l’agent. Plus de grandes phrases, plus de hurlements ! Une journée mémorable. (Au bord des larmes) Sans tambour ni trompette !
(attendri) C’est pathétique.
Oui, ils avaient bien orchestré leur coup.
Classique !
Alors, si vous pouviez faire qu’aujourd’hui on ne finisse pas sur une mauvaise note, je…
(Il se reprend) Hé là ! Monsieur… Monsieur… Monsieur comment déjà ?
Rémi.
Et bien bémol Monsieur Rémi. Il y a des règles, j’entends que vous les respectiez.
C’est une question d’interprétation vous savez.
C’est grave, c’est quand même une erreur majeure, Monsieur Rémi.
Il a bon dos Rémi !
Bon, pour cette fois, je veux bien faire la sourde oreille. Alors vous reprenez gentiment votre instrument et vous mettez les basses. Compris ?

Mais pas d’entourloupe, la police de l’air vous a à l’œil. A la moindre anicroche, on arrête de jouer ! D’accord ?
Merci Monsieur l’agent.
(Blagueur) Ha, ha ! Allez, en mouvement sinon je sors les canons !

Ils sortent.

C’que vous êtes drôle alors.
On a notre registre. Et puis on connait la chanson.

Étiquettes : 2 personnages, musiciens