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Clair obscure

Texte écrit lors de mon atelier d’écriture.

Consigne : Ecrire une fable moraliste.

Il n’y aurait que la frontière renommée

Pour séparer l’art et le cochon,

Et l’on pourrait visiter dans chaque musée

Autant d’œuvres que de torchons

Si les galants n’avaient décidé

Que ne s’y trouvent que des chefs d’œuvre.

Ce seraient peut-être de fausses idées,

Motivées par de basse manœuvres

De pouvoir, de gloire ou d’argent,

Qui nous contraignent depuis la nuit des temps,

A vénérer des dessins d’enfants

Ou des sculptures d’artistes impotents.

Parcourez de nos grands musées les couloirs

Et jugez par vous-même s’ils méritent la lumière

Ou si leur conviendrait aussi bien le noir.

Tentez l’expérience, pour beaucoup amère,

De faire courir le bruit que La Joconde

N’est pas du maître Léonard.

Répandez, telle une vérité faconde,

Que cette peinture n’est qu’un fruit du hasard.

Montrez par une belle rhétorique

Que c’est une croute à peine reluisante,

Qu’elle ne mérite pas son public,

Que c’est quelque idée trop bien-pensante

Qui en a fait un sémaphore,

Et qu’un complot, en sorte,

A élevé l’œuvre d’un homme mort

Au rang des héros que l’on porte.

Alors, vous verrez se libérer les consciences

De cents et de milles experts en art.

Vous entendrez s’épandre une nouvelle science

Dont ils semblaient étrangers hier soir.

Une rivière vulgaire coulera, sans aucun doute,

Des fondements d’un troupeau à la peau recouverte

D’une laine que les bergers redoutent

Et qui goûtent peu à l’herbe verte.

De votre rumeur sans vérité

Surgira une foule grégaire

Et vous aurez identifié

Quelque vérité que nous préférons taire :

Il y a plus que la frontière renommée

Pour séparer la parole de l’expert

Du snobisme ordinaire.

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