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La boucle

Texte écrit lors de mon atelier d’écriture.

Consigne : Utiliser les mots imposés : Modiano, Sans contrefaçon, sang pour sang.

Sang contre façon. C’était le deal. Je lui donnais mon sang, elle m’enseignait son art. Elle a même ajouté sang pour cent. Mon sang contre cent façons de crier, murmurer, chanter, persiffler, insulter ou louer. Elle devait s’en rendre contre et moi j’avais compris qu’il fallait faire vite, c’était oppressant. Alors on n’a pas tardé. Je lui faisais un enfant et elle m’apprenait à écrire. Pour être sûr que cela fonctionne nous avions décidé que j’habiterai chez elle. J’ai fait ma valise, quitté ma chambre de bonne au septième sans ascenseur et je suis venu vivre dans son duplex du 17ème.

C’est très court de faire un bébé, et très long de faire un écrivain. Heureusement ça n’a pas fonctionné tout de suite. Certainement fallait-il qu’on s’habitue l’un à l’autre. Quelques fois j’avais le sentiment qu’on ne progressait pas. Un peu comme deux wagons sans locomotives, deux caravanes sans voiture. Ou deux voitures sans volant. On ne peut pas faire un écrivain sans un projet de livre, comme on ne peut pas faire un bébé sans un projet de vie. On ne fait ni l’un ni l’autre avec le corps, on le fait avec le cœur. Ça doit venir des tripes tu comprends. Je ne pouvais pas rester dans ma bulle et potasser mes classiques tandis qu’elle, elle qui m’inculquait plus qu’elle ne m’enseignait, attendait qu’un haricot prenne racine dans son ventre. Nous prenions l’un à l’autre alors que nous aurions dû donner. Sang contre façon. Cent fois. Mais sans foi ça ne fonctionne pas.

Je crois que nous l’avons conçu ensemble. Et plutôt que de prendre l’un à l’autre nous avons appris l’un avec l’autre. A deux nous avons grandi et alors que nous nous nourrissions de la richesse de notre compagnon nous avons compris de notre infortune. Nous avons appris à dire « Je te donne ».

Nous avions tenté de te faire enfant avant de connaitre la chaleur du baisé, Modiano. À présent que tu embrasses des filles, n’oublie jamais ça mon fils : les caresses ça doit venir de l’intérieur. Sans contrefaçon.