Alexandre
Exercice de L1 – Lettres modernes.
Quelques alexandrins inspirés de l’incipit de Bel Ami, de Maupassant.
Je vais te raconter, mon vieil ami Rémi,
Avec qui j’ai souffert, avec qui j’ai vaincu,
Avec qui j’ai tué, protégé la patrie,
Comme hier, un regard, tel une lame aiguë,
A ravivé mes peines et fait sortir des limbes
Un régiment d’enfants, une troupe complice
Dont la gloire d’hier motive le blanc nimbe
Dans lequel nos mémoires, éprises de justice,
Glorifiant leurs valeurs, depuis ce jour les drapent.
Hier après-midi, revenant de chez toi,
Cerné par le courant de la foule qui tape,
Au milieu de la rue, je vis, fier comme un roi,
Le beau sergent Duroy. Celui dont la traitrise,
Nous ne l’oublierons pas, fit tomber au combat,
Les si braves soldats d’une France conquise.
La poitrine bombée, le regard enfin droit,
Coiffé d’un haut de forme, il marchait arrogant,
Bousculant la foule, vieillards, femmes et enfants,
Tel un vieux pachyderme au regard méprisant,
Effrayant les biches, terrorisant les faons.
Il sortait à l’instant d’une simple gargote
Mais on eut cru pourtant qu’il avait déjeuné
Au banquet somptueux d’un fortuné despote.
Epaules trop raides, visage mal rasé,
Chapeau noir défraichi, petites jambes arquées,
Bouffon ridicule qui battait le pavé,
Défiant la ville entière avec l’œil du gradé.
Honte du régiment, illusion du passé !
Son regard de fourbe ne croisa pas le mien,
Et c’est sa fortune car j’aurais pu sans doute,
Provoquer ce lâche, mettre sur lui mes mains,
Aplatir d’un seul coup ce traitre sur ma route.
Il descendit la rue, je le suivis un peu.
Je ne sais pas pourquoi, sans doute par instinct,
Celui d’ancien soldat, rappel de sombre enjeu.
En bas, devant l’église, il attendit quelqu’un.
Après cinq minutes, d’une étroite ruelle
Sortit un vieux bossu une bourse à la main.
Duroy, sans hésiter, à l’œil noir et cruel,
Suivit ce personnage au physique inhumain.
Je le quittai ici. Nul doute que demain
Nous lirons ses larcins dans le premier journal.
Rémi, mon cher ami, le climat parisien,
Dépend dès à présent, de ce triste animal !
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